- Auteur : Pierrick Bourgault
Les spiritueux tirent la sonnette d’alarme
Jean-Pierre Cointreau, président de la Fédération française des spiritueux (FFS), dévoile les derniers résultats de l’enquête interne : « Seulement 67% de nos adhérents ont déclaré un résultat positif en 2022. » Au second semestre 2022, 24% annonçaient un CA en baisse : ils sont 43% au premier semestre 2023. Même aggravation pour la trésorerie : 45% s'avouaient dans le rouge fin 2022, ils sont 60% au début de cette année. « L’inflation sur les matières premières, le verre et l’énergie a dégradé les trésoreries. Nos entreprises sont prises en étau entre les fournisseurs et la grande distribution. » De fait, ces augmentations ne furent répercutées que partiellement par 72% des entreprises et pas du tout par 17%. Pour continuer à produire, elles ont puisé dans leur trésorerie et laissé fondre leurs marges. « On ne peut baisser les prix comme la GMS nous le demande », insiste Thomas Gauthier, DG de la FFS, qui ironise : « En revanche, nos fournisseurs annoncent des résultats très confortables. »
Un retour à la normale en GMS
L’activité en GMS a mécaniquement régressé en 2022 suite à la réouverture des CHR. Le volume de 2019 a été retrouvé, à -0,8 % près. Cependant, ce ne sont ni les mêmes produits, ni les mêmes comportements : les Français chargent dans leurs chariots liqueurs et crèmes de fruits (+10,5 % en valeur), en croissance depuis la pandémie. Les spiritueux blancs gardent leur place pour les cocktails maison, mais les ventes de whiskies basiques s’écroulent, tandis que celles des whiskies plus qualitatifs résistent. Surtout, l’inflation des produits alimentaires, qui atteint 16,1% entre mai 2022 et mai 2023, réduit le budget familial et contraint à se priver de la bouteille de spiritueux, au prix moyen de 16,50 € en GMS, même si l’inflation sur les spiritueux s’est limitée à 7,4% en un an. En ce qui concerne les « sans-alcool », Jean-Pierre Cointreau est formel : « Le no-low ne prend pas du tout en GMS, la France diffère sur ce point des pays anglo-saxons. »
Le CHR en plein boom
Autre son de cloche dans les bars et restaurants, qui restent un lieu d’expérience, de fête, de découverte des tendances, où le prix n’est plus le seul critère. Plus de la moitié des consommateurs de CHR estiment pouvoir maintenir, voire augmenter leur budget sur les 12 prochains mois. Par rapport à 2019, la consommation dans les restaurants est en croissance de 5%. La vodka s’offre une progression de 28%, le gin de 39%, tandis que les whiskies perdent 17%, confirmant la tendance observée en GMS. La génération des 18-24 ans et celle des plus de 55 ans augmentent leurs dépenses, tandis que les 35-54 ans se « rangent » – ce qui correspond, sans doute, aux couples avec jeunes enfants. Le « sans-alcool » progresse en CHR mais demeure confidentiel. Les moments de consommation se déplacent de la nuit vers le jour et les discothèques restent à la traîne.
L’export tousse en début d’année
Si les exportations de spiritueux ont augmenté de 11,7% en valeur (5,4 Md€) en 2022 et de 2,3 % en volume, l’année 2023 démarre plus difficilement avec une baisse de 20% en volume sur les deux premiers mois. L’inflation compense en partie la chute des volumes, la valeur exportée ne recule ainsi que de 11%. Le président de la FFS relativise néanmoins ces chiffres, pointant le fait que les exportations avaient bondi ces dernières années et que l’on revient à une politique de flux tendu après une période post-Covid où les opérateurs regarnissaient leurs stocks.