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Reportages

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En pleine campagne des primeurs, l’enthousiasme des Bordelais ne semble pas au beau fixe. Alors que les propriétaires laissaient entendre une qualité de millésime exceptionnelle, les critiques internationaux ont quelque peu douché les espoirs des plus ambitieux. De l’avis général, si le millésime est très bon, il reste toutefois hétérogène.

 

On s’attendait donc à une campagne sur un train de sénateur avec une stabilisation des prix, voire une baisse pour certains. C’était sans compter sur l’optimisme des propriétaires qui semblent vouloir porter au firmament ce millésime 2022. En effet, actuellement (mi-juin 2023), les prix de sortie progressent en moyenne de 17,34%. Si toutes les « marques phares » ne sont pas encore commercialisées, Château Cheval Blanc (660 € TTC, +18,28%) semble, comme à son habitude, mesuré et très en phase avec les marchés, tandis que Château Angélus (492 € TTC, +33,12%) affiche ses ambitions, comme Château Palmer avec une hausse de 23,21%.

La place de Bordeaux circonspecte
Les négociants semblent s’interroger sur la pertinence de ces hausses dans le contexte économique actuel et auraient quelques difficultés pour trouver des débouchés. Sous couvert d’anonymat, un acteur éminent de la place de Bordeaux nous avoue que « la campagne est poussive. Entre hausse des taux d’intérêt, millésime prétendument exceptionnel et des notes peu enthousiastes couplées à un faible dynamisme en Chine, les clients ne sont pas au rendez-vous ». Un euphémisme quand on sait que certaines marques se revendent à des prix bradés sur les seconds marchés, du côté de la place de Londres cette fois-ci. D’ailleurs, la plate-forme Liv-ex affirme, avec toute la retenue britannique qui la caractérise dès qu’il s’agit de parler de « business », que cette campagne est « un peu ennuyeuse » (« a little tedious »), voire « erratic », entendons ici imprévisible, selon les importateurs anglais interrogés.

Des livrables plus attirants à tout point de vue
De fait, l’augmentation constante des prix semble être un frein à l’intérêt des consommateurs. La plupart des vins du millésime 2022 sont aujourd’hui plus chers que les millésimes 2016 ou 2019, tous livrables et de « très belle qualité » selon notre informateur bordelais. Une incohérence de distribution qui laisse les consommateurs perplexes face à l’avance de trésorerie engendrée par une telle commercialisation, d’autant que cette année, pour la première fois, les consommateurs français doivent payer la TVA dès la commande, alors que les années précédentes elle était réglée lors de la livraison, augmentant ainsi de 20% le prix initial.
Cette stratégie de prix met aussi en exergue « l’attractivité » de millésimes tels que 2017 ou 2019, voire 2015. En effet, ces millésimes, encore présents de manière importante sur les marchés, offrent des rapports qualité-prix plus intéressants pour les acheteurs que l’actuel millésime 2022.
Dernier point, non des moindres, les primeurs bordelais sont désormais mis en concurrence avec les vins internationaux. La place de Bordeaux qui, longtemps, avait comme seule source de profit les grands vins de Bordeaux, s’ouvre au monde et connaît un regain d’intérêt pour des marques venues d’autres contrées. Résultat, les négociants ne peuvent engager leur trésorerie sur la seule activité des primeurs, se focalisant dès lors vers les marques les plus rentables financièrement et délaissant de nombreuses propriétés, certes intéressantes en primeur, mais qui devront attendre plusieurs mois, voire deux années, avant d’être revendues sur les marchés internationaux.