Le média professionnel des revendeurs spécialisés de vins, champagnes & spiritueux

Reportages

Reportages

Le retour des beaux jours, c’est aussi celui de la montée en pression de la bière. Au propre comme au figuré puisque, si la saison estivale correspond à la période de consommation haute de la bière, c’est également celle du boom de la location de machines à pression. L’occasion de faire le point sur ce service toujours plus apprécié des consommateurs.

La bière est indéniablement le marché des boissons qui a été le plus bousculé ces dernières années. Après un effondrement dans les années 1960-1970, la catégorie connaît un vrai dynamisme depuis la fin des années 1990, pour exploser début 2000 avec le développement de la bière artisanale. Quant à la bière pression à domicile, elle voit le jour en 1996 avec le lancement de la Cooltap d’Heineken, première machine réfrigérée, avant l’énorme succès du BeerTender qui va bousculer le marché en 2003. Aujourd’hui, la boisson houblonnée a retrouvé ses lettres de noblesse, au point d’être préférée au vin par les Français, et proposer de la bière à une fête d’association, d’anniversaire, voire un mariage, est à la mode, surtout à la pression. Une pratique qui a permis un formidable développement du marché de la location de machines à bière pression, dont les cavistes peuvent profiter aujourd’hui. Mais attention, cela n’est pas toujours aussi simple et rentable qu’on pourrait le penser. Une des premières contraintes liées au fait de proposer un service de location de tireuses pression est celui de l’espace nécessaire. En effet, les machines sont plutôt encombrantes, surtout si l’on prend en compte leur « caisse » de transport. Sans compter qu’il faut aussi parfois y ajouter les bouteilles de CO2, voire les groupes de refroidissement externes pour les plus grosses unités. Sans oublier, bien entendu, les fûts de bière dont on doit posséder un certain stock, si ce n’est un stock certain en période de tension. Un problème que La Vignery ne rencontre pas particulièrement grâce à « une logistique centralisée et une livraison par semaine, sans reprise en magasin par les brasseurs qui ont l’entrepôt comme unique point de collecte », apprécie Julien Dorard, directeur centrale d’achats et directeur de la cave à Nantes.

Le règne de la blonde légère
Lorsque l’on aborde le sujet des fûts, surgit tout à coup la question de l’offre. En effet, si le boom de la bière artisanale a aujourd’hui démultiplié les styles et les références de bière, satisfaire la clientèle dans le cadre d’un service de location de machine pression s’avère bien différent de la vente de bouteilles. S’il s’agit classiquement de répondre à la demande liée au renouveau de la bière au travers d’une offre artisanale un peu pointue et « tendance », dans le cadre de la location de tireuse, il faudra savoir proposer une bière qui contentera le plus grand nombre, facile à boire et, bien entendu, pas trop chère. En faisant le tour des cavistes pratiquant le service de tirage pression, sans surprise, c’est la pils à prix attractif qui domine l’offre. Chez V and B, aujourd’hui au rang des leaders du service pression pour particuliers en France, Renaud Touvé, responsable commercial groupe, confirme que « les gens veulent une tireuse, certes, mais aussi une bière sympa à prix cool. La demande de bière de spécialité est rare même si elle existe ». Même constat à La Vignery où « 95% des fûts sont de la pils légère, moins chère. Bien sûr il y a de la brasserie locale mais cela reste vraiment anecdotique », confie Julien Dorard.
Notons que l’on retrouve aussi de la blonde triple ou de la pale-ale dans ce qui vient constituer le plus gros des volumes. Comme s’ajoute la notion de produit régional, si ce n’est local. Un caviste en Bretagne va assurément jouer la carte du brasseur breton, et tous ou presque travaillent avec une brasserie artisanale locale pour répondre aux attentes de la plus exigeante part de leur clientèle, les vrais amateurs de bière. Renaud Touvé constate également un léger frémissement dans ce sens. « C’est vrai que nous avons un peu plus de demandes sur des IPA, des bières aux fruits, ainsi que des choix de tireuses double bec. Mais le prix restant un critère très important – on va du simple à plus du double – cela reste marginal. »

L’été, c’est bien plus chaud
Concernant le service pression, la clientèle, si elle existe toute l’année, n’en est pas moins très saisonnière comme peut l’être le marché la bière, c’est-à-dire lorsque les beaux jours arrivent. À cela, il faut ajouter les nombreux événements qui se concentrent dans cette période de l’année – communions, mariages, kermesses, fêtes associatives et autres festivals – pour lesquels la bière pression est aujourd’hui particulièrement appréciée. Les locations se font donc principalement au printemps et en été, avec un véritable pic entre mai et septembre, ce qui n’est pas sans poser d’inévitables problèmes de disponibilité, à la fois en matériel comme en fûts, surtout en ce qui concerne l’approvisionnement auprès des petites brasseries artisanales. « Nous possédons une trentaine de tireuses. Sur les mois d’été, on est complet sur tous les week-ends ou presque », rapporte Chris Boulton de l’Empire du Malt à Clermont-Ferrand. Chez V and B, après les années Covid, « la demande a tellement explosé qu’on a eu du mal à s’approvisionner en fûts de 30 litres auprès des petites brasseries. Aujourd’hui, nous avons réglé le problème en signant de véritables partenariats », se satisfait Renaud Touvé.
De même, lorsque l’on propose de la location de tireuse, il faut se préparer à y consacrer du temps et même se rendre disponible au-delà des horaires d’ouverture de sa cave puisque cette activité répond essentiellement à des utilisations le week-end.
Alors, si ce n’est pas trop gênant pour les magasins La Vignery, puisque « nous sommes ouverts tout le temps, même le dimanche jusqu’à 13 h, et qu’une tireuse tombe rarement en panne après », comme le constate Julien Dorard, ce n’est pas évident pour tous les cavistes. « Nous organisons des permanences avec des tireuses en réserve en cas de panne. Sinon, ça se règle par téléphone pour une simple mise en œuvre, avec un tuto que nous avons publié sur internet », confie Chris Boulton. Renaud Touvé concède pour sa part que cela nécessite de la présence auprès des clients : « C’est un travail de besogneux, il faut avoir l’envie ! Celle d’aller serrer la main du président du club de foot le dimanche matin, d’être à 13 h avec le club de hand, alors que le samedi soir tu étais avec celui de volley et que, juste avant, tu aidais le gars qui se marie et qui n’arrive pas à brancher sa tireuse… »

Petite marge, bonne com’…
En faisant le point, on est en droit de se demander si toutes ces contraintes en valent la peine, même si, aujourd’hui, rares sont les cavistes à ne pas proposer de location de tireuse à bière. Le plus étonnant, c’est que, justement, le retour sur investissement, si l’on peut dire, n’est pas si formidable. Tout d’abord en raison du fait que l’activité est saisonnière, qu’il faut donc investir plus largement à une période définie pour s’assurer la disponibilité, avec le risque que cela comporte. Ensuite, la location est souvent proposée gratuitement ou à un prix très bas à partir d’un nombre de fûts « percutés ». Détail important, comme nous le précise Chris Boulton de l’Empire du Malt : « Sur la période estivale, de mai à août, plus de 2 000 fûts sont commandés, le mois de juillet étant le plus important avec environ 700 fûts commandés. Je dis bien “commandés” car on sera toujours un peu en dessous. Les clients passent rarement tous les fûts et seuls les fûts percutés sont facturés. »
Ainsi, la plupart des cavistes interrogés nous ont rapporté que le chiffre d’affaires lié à cette activité se situe généralement entre 1% et 5% du global annuel. Pour le réseau La Vignery, la location de tireuses représente à peu près 3% de l’activité. Autant dire pas grand-chose… Chez Bièrocratie, à Paris, même si cela n’est « pas négligeable, la marge l’est par rapport au stress, alors on a arrêté ! » Chez Le Décap’s à Landivisiau (29), on précise que, certes, « cela peut monter vite en chiffre d’affaires s’il y a un gros évènement, mais cela représente peu de marge ». À Mèze (34), Florent de Hoppy Gallery nous confie que l’activité représente « environ 1 500 euros par an, ce qui est, somme toute, négligeable ». Même son de cloche Chez Nanie, à L’Isle-Adam (95), qui se satisfait tout de même d’une « rentabilité rapide de la machine, d’autant plus que cela contribue à écouler des fûts de brasseries locales ». Pour autant, tout n’est pas si sombre puisque Nanie profite du service client « avec le prêt de verres au nom de la cave, cela permet de faire de la pub sur l’événement et participe au développement de l’enseigne ». Un constat identique à Landivisiau où « les gens viennent ensuite à la cave ou au bar et recommandent l’établissement. Les machines font de la pub lors des évènements ! »
Pour les plus gros acteurs, cela peut fort bien payer. C’est par exemple le cas pour V and B dont les magasins ont signé de nombreux partenariats avec des associations et autres clubs sportifs locaux qui peuvent même avoir le matériel à demeure. « Certains sont aujourd’hui présents sur de grands clubs sportifs, comme le Stade Lavalois en ligue 2 de foot, pour lequel nous sommes distributeurs officiels. De même sur une partie du stade avec le FC Nantes ou encore avec la Section Paloise en rugby. Sans oublier la signature avec le Racing Métro 92 où nous avons une loge à Paris La Défense Arena et dont nous diffusons les rencontres dans nos bars », aime souligner Renaud Touvé. Au final, se mettre (à) la pression semble bien être un service important pour le caviste spécialisé ou qui travaille un tant soit peu la bière. Cela pour répondre à la demande du particulier à fidéliser, mais peut-être aussi en misant sur le monde associatif, culturel et sportif qui pourrait ainsi assurer une rente et une visibilité non négligeables pour le point de vente.

 

Choisir sa tireuse
L’offre en matière de machines pression permet aujourd’hui de satisfaire autant de clients que de situations. Pour un petit événement privé, il est tout à fait possible de proposer une tireuse à froid sec, compacte et facile à transporter. Avec une mise en route en 10 minutes pour un débit jusqu'à 200 l/h, elles peuvent être équipées d’un détendeur ou même d’un compresseur à air pour tirer la bière sans CO2. Pour des manifestations plus importantes nécessitant des services conséquents (événements publics, concerts, fêtes d’association, clubs sportifs, etc.), les « systèmes à eau » ou « bancs de glace » sont équipés d’un réservoir d'eau pour le refroidissement et permettent de tirer d’importantes quantités de bière dans un court laps de temps, jusqu’à 400 l/h. A contrario, leur temps de mise en route peut aller de 45 minutes à 1 heure et demie pour les plus grosses unités. Pour acquérir ces machines, des entreprises spécialisées dans les tireuses à bière sont présentes sur toute la France et pourront répondre aux questions comme aux besoins de chacun. Citons par exemple les fournisseurs des cavistes que nous avons interrogés : DAV, présent sur le marché français depuis 1959, Lenne-Créations, Tirage Pression Services, Tirage bière Bertrand ou encore Technologies Boissons.